Du petit réseau au bois à un réseau d’approvisionnement en chaleur

Grâce à deux réseaux énergétiques et à beaucoup de persévérance commune, Embrach tourne peu à peu le dos aux chauffages fossiles. Le réseau énergétique d’Embrach Breiti Ouest est désormais lui aussi finalisé. La présidente de la commune Rebekka Bernhardsgrütter et Denis Majstorovic d’Energie 360° ont accompagné la réalisation depuis le début et reviennent sur les points forts de ce projet, les obstacles majeurs et quelques déclics. Et expliquent pourquoi des partenariats solides et une bonne coordination des travaux sont presque aussi importants que des systèmes modernes.

Les communes misent de plus en plus sur les réseaux énergétiques. A Embrach, il y en a même désormais deux. Pourquoi la commune d’Embrach s’engage-t-elle dans cette voie et qui en profite?

Rebekka Bernhardsgrütter: Il y a plusieurs années déjà, nous avons commencé à chauffer des bâtiments publics avec un petit réseau énergétique au bois. Le bois utilisé provenait de notre forêt. Mais à un moment donné, une question fondamentale s’est posée: vaut-il mieux continuer à l’exploiter nous-mêmes ou ouvrir et professionnaliser le concept afin que les particuliers et les entreprises en profitent également? La gestion d’un réseau énergétique ne constitue pas la mission principale d’une commune. Nous avons donc lancé un appel d’offres pour un contracting complet dans le but de confier l’aménagement et l’exploitation à des professionnel·le·s. L’assemblée communale a ensuite approuvé l’externalisation à une large majorité. Energie 360° a remporté l’appel d’offres.

Denis Majstorovic: Les bénéficiaires sont aujourd’hui des particuliers, des lotissements, des commerces et des bâtiments publics. De la maison de retraite à la piscine couverte et en plein air, des écoles à l’atelier: la structure de la clientèle est délibérément hétérogène.

Energie 360° était donc la bonne partenaire pour ce projet. Comment s’est déroulée concrètement la collaboration?

Rebekka Bernhardsgrütter: Energie 360° apporte son expérience, du capital et ses compétences opérationnelles. Pour nous, il était clair qu’il fallait externaliser plutôt qu’exploiter nous-mêmes. La commune reste ainsi concentrée sur sa mission et les client·e·s bénéficient d’un service professionnel.

Denis Majstorovic: La relation de confiance a été déterminante. Nous travaillons depuis 2016/2017 dans les mêmes configurations, avec les mêmes partenaires pour la planification et la construction. Cette constance au niveau du personnel vaut son pesant d’or.

La collaboration est en place et le réseau fonctionne. Qu’est-ce qui le distingue en termes de technique et d’exploitation?

Denis Majstorovic: La part de bois est très élevée, la chaudière au mazout destinée à couvrir les pics de demande fonctionne rarement. Nous nous situons généralement entre 90 et 97% de renouvelable et optimisons continuellement l’exploitation. Les stations de transfert fournissent de l’énergie pour le chauffage et l’eau chaude, et leur conception couvre les charges estivales, transitoires et hivernales. Et nous avons une marge de développement, mais sans surdimensionnement coûteux.

Rebekka Bernhardsgrütter: Notre forêt communale fournit environ un tiers du volume de bois. Le reste est certifié par contrat bois suisse, si possible régional. La transparence est importante pour nous, notamment parce que le lien avec la forêt est ici très émotionnel: les gens s’y promènent, ils voient où le bois est coupé et quel bois est préparé pour les réseaux énergétiques.

Aujourd’hui, les réseaux desservent une grande partie de la commune. Comment le projet a-t-il évolué depuis son lancement?

Rebekka Bernhardsgrütter: Lorsque de premiers acheteurs·euses de chaleur privés ont rejoint le réseau en 2017, la rénovation et l’extension du premier réseau «Breiti» ont commencé. Une demande d’une grande coopérative d’habitation a ensuite donné naissance au réseau énergétique d’Embrach Nord, opérationnel depuis 2020. Parallèlement à cela, nous avons doublé la capacité de la centrale du premier réseau avec des chaudières à bois supplémentaires et une chaudière destinée à couvrir les pics de demande.

Denis Majstorovic: Nous avons grandi par étapes. Aujourd’hui, nous couvrons environ 80% du périmètre de la commune. Trois chaudières à bois fonctionnent à Embrach Nord et trois autres à Breiti, avec un emplacement de réserve pour une quatrième.

Quels ont été les défis rencontrés pendant la mise en œuvre et comment ont-ils été résolus?

Denis Majstorovic: Avec une infrastructure aussi importante, tout ne se passe jamais sans problème. Mais nous avons toujours réussi à trouver des solutions pragmatiques. Grâce aussi à des processus d’information et de décision courts entre la commune, les planificateurs·trices, les entreprises et le canton.

Rebekka Bernhardsgrütter: La coordination des travaux était importante. Pour installer les conduites du chauffage à distance, il faut ouvrir les rues. Nous avons donc planifié la rénovation des conduites d’eau et d’eaux usées, de l’approvisionnement en énergie, de l’éclairage public, des télécommunications et des revêtements routiers dans les mêmes rues, afin que tout puisse être fait en même temps, dans la mesure du possible. Pour ce faire, nous avons sécurisé les budgets au préalable et informé la population à l’avance. La charge de travail due aux nombreux chantiers était certes élevée, mais limitée dans le temps autant que possible.

Au cours du projet, y a-t-il eu des situations dont vous vous félicitez particulièrement aujourd’hui?

Denis Majstorovic: L’un des points forts a certainement été la construction, en peu de temps et à partir d’un petit réseau, d’un réseau de chauffage performant et en pleine expansion, porté par un partenariat très fiable avec la commune. Chaque personne connaissait son rôle et tout le monde a travaillé main dans la main.

Rebekka Bernhardsgrütter: Pour nous, la fonction d’exemple des immeubles communaux était centrale. Le fait que nous ayons finalement pu gagner autant de particuliers comme client·e·s me réjouit particulièrement. Nous parvenons ainsi à remplacer progressivement les agents énergétiques fossiles. En effet, Embrach ne dispose pas de sources de chaleur résiduelle, ni de lac ou de rivière où l’on pourrait prélever de la chaleur avec des pompes à chaleur, et il n’y a pas non plus de raccordement au gaz. Le bois issu de la forêt communale est donc une ressource locale importante.

Embrach est-elle ainsi un modèle pour d’autres communes?

Rebekka Bernhardsgrütter: Oui, tout à fait. Avec plus de 10 000 habitant·e·s, nous sommes une commune typique de la région, et d’autres communes peuvent tout à fait s’inspirer de nous.

A quoi ressemble l’avenir des réseaux énergétiques à Embrach?

Rebekka Bernhardsgrütter: Il s’agit maintenant d’optimiser l’exploitation, de densifier le périmètre existant et de réaliser ponctuellement de nouveaux raccordements. Parallèlement à cela, nous faisons avancer l’énergie photovoltaïque sur les bâtiments publics (en nous focalisant sur les besoins propres) et étudions des solutions à base d’eau souterraine pour les zones situées en dehors du réseau de chauffage à distance. Ici aussi, le refroidissement est intéressant dans une perspective à long terme.

Denis Majstorovic: L’équipement de base est en grande partie terminé. Il s’agit maintenant de le peaufiner et de rester proche des client·e·s pour que la success story se poursuive durablement.

Quel bilan personnel tirez-vous?

Denis Majstorovic: Le chauffage à distance est un travail d’équipe. Il faut séduire chaque client·e et faire preuve de transparence afin que la solution puisse convaincre. Embrach est pour moi un projet phare, dont j’ai souvent présenté le modèle de partenariat dans d’autres communes.

Rebekka Bernhardsgrütter: Il faut de l’endurance et des personnes qui restent. Beaucoup de choses ne peuvent pas être réglées sur le papier. Ce qui est décisif, c’est la confiance, le pragmatisme et la volonté de trouver des solutions ensemble.