De la vision à la pratique: les communes font leur transition énergétique

Alexander Strasser, vous travaillez en tant que développeur communal. Quelles sont vos tâches?

J’élabore des solutions énergétiques pour les communes qui devront remplacer les agents énergétiques fossiles dans le futur. Concrètement, j’analyse les conditions sur place, j’identifie les potentiels énergétiques et j’en tire des concepts. L’objectif est de rendre l’approvisionnement en énergie d’une commune plus durable à grande échelle. 

Vous êtes donc une sorte de visionnaire de l’énergie?

On peut dire ça, oui (rires). En fait, mon équipe et moi posons avec notre travail la première pierre de l’approvisionnement en énergie du futur.

Qu’est-ce qui vous donne des idées que les autres n’ont pas encore eues?

Tout d’abord, une analyse approfondie de la situation dans la commune. Pour cela, j’étudie nos données, mais aussi celles publiquement accessibles. Où se concentre une consommation d’énergie élevée? Quelles sont les sources durables disponibles, telles que la chaleur résiduelle industrielle, l’eau de lac ou le biogaz? Mais aussi: l’infrastructure est-elle disponible pour amener cette énergie dans les foyers? En répondant à ces questions, j’identifie des dépendances potentielles, desquelles naissent des scénarios. Il est important d’évaluer les opportunités de manière réaliste et de développer une vision qui soit tangible et avantageuse pour toutes les parties prenantes.

Que faut-il pour que la vision sur papier devienne un projet concret?

Une étape centrale consiste à impliquer les bon·ne·s acteurs·trices à un stade précoce. Communes, entreprises, propriétaires fonciers·ières, associations environnementales ou initiatives citoyennes: toutes ces personnes jouent un rôle crucial. Et sans une étroite collaboration, cela ne fonctionne pas. Tout l’art consiste donc à savoir dès le départ quelles sont les motivations respectives des parties prenantes, c’est-à-dire s’il s’agit du prix, de la technologie ou de l’image. Il est également décisif de réunir l’ensemble des personnes impliquées autour d’une table, sur un pied d’égalité, et de leur confier un rôle actif au sein du projet. Ce n’est que lorsque tout le monde avance dans la même direction que la vision peut devenir réalité.

Quels sont les grands obstacles sur la voie de la mise en œuvre?

De manière générale, il y a une volonté de promouvoir les installations énergétiques durables. Parce que la conscience de la durabilité ne cesse de croître et qu’il existe de plus en plus de directives politiques. D’après mon expérience, c’est la question des coûts et de la sécurité de l’investissement qui décide au final. Si la conviction fait défaut, le projet s’enlise.

A Volketswil, vous avez justement réussi à surmonter ces obstacles grâce au réseau énergétique. Il est d’ores et déjà considéré comme un projet phare. Comment cela a-t-il commencé?

Au départ, je voulais utiliser la chaleur résiduelle d’une boulangerie industrielle. Ce projet a toutefois échoué pour diverses raisons situées hors de ma marge de manœuvre. J’ai ensuite étudié 21 sites possibles pendant trois ans, jusqu’à ce qu’une possibilité fascinante s'est présentée: l’entreprise Vantage Data Centers prévoyait de construire un campus de centres de données. Une nouvelle source de chaleur puissante est ainsi apparue du jour au lendemain.

Cela arrive-t-il souvent que des projets changent comme ça?

Absolument. Les projets de développement sont des processus dynamiques. Les technologies changent, les conditions générales évoluent, de nouveaux·velles partenaires font leur apparition. Il est essentiel de ne pas perdre de vue la vision, de reconnaître les nouvelles possibilités qui se présentent et de rester ouvert à de nouvelles voies. Et même si tout est bien planifié: au final, il faut souvent un peu de chance pour que tout fonctionne parfaitement. C’est exactement ce qui s’est passé à Volketswil.

Comment gardez-vous votre vision en tête avec autant de facteurs imprévisibles?

Grâce à des rôles clairs et une collaboration étroite. Une fois lancé, le projet est dirigé par une équipe centrale de six personnes. Au sein de cette équipe, chacun·e sait ce qu’il faut faire. Une bonne coordination, une communication claire et une transparence vis-à-vis de toutes les parties prenantes sont essentielles. Et si quelque chose s’enlise, je fais délibérément un pas en arrière afin de lever les ambiguïtés.

Quels ont été les défis particuliers du projet de Volketswil?

Tout d’abord, la sécurisation de la source d’énergie et la recherche d’un site approprié pour la centrale énergétique. De plus, les ressources en personnel nécessaires ont parfois fait défaut, ce qui a menacé de freiner le projet à certains moments.

Qu’est-ce que cela signifie exactement?

La nature de l’approvisionnement en énergie évolue rapidement. Et donc les exigences posées aux administrations. De nombreuses communes, petites ou grandes, doivent encore mettre en place des services spécialisés et des compétences adéquates. Pour cela, il faut de la patience et une bonne compréhension des processus politiques.

A Volketswil, cela a fonctionné. Qu’est-ce qui fait la particularité de ce réseau énergétique?

Avec une puissance de 80 mégawatts, il s’agit du plus grand projet d’utilisation de la chaleur résiduelle d’un centre de données en Suisse. Les centres de données vont encore gagner en importance à l’avenir, car leur nombre augmente avec la demande croissante de traitement des données et de services cloud. Leur chaleur résiduelle devient donc une ressource de plus en plus importante pour les réseaux de chauffage durables. Cela permet de tirer de précieux enseignements pour les projets futurs.

Observez-vous actuellement une plus grande demande pour de tels réseaux d’énergie?

Absolument. Les dispositions légales visant à se détourner des combustibles fossiles agissent comme un catalyseur. Energie 360° s’est établie comme une partenaire capable de mettre en œuvre de tels projets. Cela permet d’instaurer la confiance et de faire en sorte que la demande ne cesse de croître.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres communes ou partenaires qui souhaiteraient lancer un projet similaire?

Cela vaut la peine d’exploiter des potentiels tels que la chaleur résiduelle des centres de données, qui sont souvent inutilisés aujourd’hui. Ainsi, ce que l’on croyait être un déchet devient une ressource précieuse pour alimenter les communes en chaleur. Si un tel projet n’existe pas, une analyse révélera peut-être d’autres sources d’énergie locales qui pourraient être exploitées. Dans tous les cas, je conseille aux communes et aux entreprises d’examiner de tels processus de transformation. En effet, en interagissant avec des infrastructures existantes, on peut souvent trouver des solutions surprenantes. Cette clairvoyance nous permet de faire un pas vers un avenir respectueux des ressources et du climat.